Au terme de deux jours et une nuit de procès " marathon " sur la tuerie du 7 février 2009, la Cour criminelle ordinaire du Tribunal de première instance d’Antananarivo a prononcé samedi matin, vers 5h, une lourde peine de travaux forcés à perpétuité à l’encontre du président déchu Ravalomanana. Une sentence la plus sévère dans les annales de la justice de Madagascar où la peine de mort n’est pas appliquée de façon effective. Le même verdict a aussi été prononcé contre un présumé complice de M. Ravalomanana, le Général Raoelina, qui, jusqu’ici reste introuvable. Ce dernier a été poursuivi pour avoir donné l’ordre de tirer sans sommation sur la foule de manifestants devant le palais présidentiel d’Ambohitsirohitra, à l’origine de la tristement célèbre tuerie du 7 février.
En tout, la Cours criminelle ordinaire a infligé la peine de travaux forcés à perpétuité à l'encontre de 14 des 18 co-accusés dans cette affaire. Parmi eux, citons quelques tireurs d’élite comme le Colonel Serge Ralamboarison, le Colonel Jadifara, le Colonel Ambroise Razanakoto, le Capitaine René Berthin, l’Adjudant Kotokely Manahirana, ou encore le Caporal Jeannot Fatima…Trois autres accusés, à savoir, Ralitera Randrianandraina, le Cononel Richard Randrianarimanana et le Commissaire Nambinintsoa Rakotovao ont été condamnés à deux ans de prison avec sursis. Seul l’accusé Odilon Parfait Razafindraoizy a été relaxé au bénéfice du doute.
Depuis son exil en Afrique du Sud, le président démissionnaire Marc Ravalomanana a vigoureusement réagi contre sa condamnation. Il a déclaré à l’AFP qu’il rejette " ce verdict parce qu’il est stupide et ridicule ". L’ancien Chef d’Etat dénonce ce qu’il considère comme un " procès politique " visant à l’écarter de la prochaine course à la présidentielle. Et lui de fustiger la manœuvre du régime transitoire d’Andry Rajoelina destinée à troubler les pourparlers malgacho-malgaches actuellement en cours à Antananarivo.
En effet, depuis la semaine passée, un espace de concertation politique, sous l’égide de la société civile, en collaboration avec la communauté internationale – SADC (Communauté de développement des Etats d’Afrique Australe) et quelques chancelleries étrangères - se penche sur la recherche d’une éventuelle issue à l’impasse politique à Madagascar. Et depuis le début de la rencontre, le camp de l’opposition formé par les trois mouvances, Zafy, Ratsiraka et Ravalomanana, avait demandé la suspension du procès du " 7 février " afin d’instaurer, selon ses dires, un climat d’apaisement.
Interrogé par Reuters, Marc Ravalomanana en appelle à la communauté internationale d’intervenir dans la crise. " Ces accusations devraient être déclarées nulles et non avenues. C’est l’œuvre d’un régime qui abuse de sa position pour mener des vendettas politiques. Je demande à la communauté internationale de condamner cette situation et d’intervenir dans cette crise ", a-t-il déclaré.
Pour manifester leur désapprobation par rapport à la condamnation de M. Ravalomanana, les trois mouvances prévoient de boycotter les actions de l’espace de concertation politique qui devraient se poursuivre ce lundi dans la capitale malgache. Toutefois, les initiateurs de cette tribune de dialogue ont d’ores et déjà indiqué que la table ronde se poursuivra avec ou sans leur présence.
Depuis son éviction du pouvoir le 16 mars 2009, l’ex président Marc Ravalomanana fait l’objet de plusieurs condamnations ou poursuites judiciaires. En juin 2009, la Cour criminelle d’Antananarivo l’a reconnu coupable d’abus de biens publics dans l’achat de son deuxième avion présidentiel, un Boeing 737-700, d’une valeur de 60 millions de dollars. La justice malgache lui reprochait d’avoir "mélangé son argent personnel à l’argent de l’Etat". Dans cette affaire, il a été condamné à quatre ans de prison ferme. Une peine assortie d’une amende de 70 millions de dollars à titre de dommages et intérêts à verser à l'Etat malgache.
Puis en mars 2010, M. Ravalomanana a été condamné par contumace à 5 ans de travaux forcés et d'une amende d'un million d'ariary (environ 384 euros) pour complicité de détournement de biens publics et de favoritisme. Cette fois, on lui reprochait d’avoir utilisé des fonds publics dans l’acquisition et le remblayage d’un terrain situé à Andohatapenaka (Antananarivo). Un terrain d’une valeur de 3,6 milliards d'ariary (environ 1 384 000 euros) qu’il a par la suite cédé à son entreprise Tiko.
Pour rappel, la marche populaire lors de la sanglante journée du 7 février 2009 s'est soldée par des dizaines de morts, et l'ex-président Ravalomanana avait été assigné en justice pour "meurtre avec guet-apens et tentative de meurtre avec guet-apens".