Perruques, sabres japonais ou drogue... les sous-sols du palais de justice de Grenoble, où sont conservés les scellés, pièces cruciales dans la résolution d’affaires classées, ressemblent à une caverne d’Ali Baba saturée, dont la gestion est un casse-tête pour la justice.
GRENOBLE (AFP) - Perruques, sabres japonais ou drogue... les sous-sols du palais de justice de Grenoble, où sont conservés les scellés, pièces cruciales dans la résolution d’affaires classées, ressemblent à une caverne d’Ali Baba saturée, dont la gestion est un casse-tête pour la justice.
"Ici on pourrait faire une brocante avec les barres à mine, les armes blanches et les battes de base-ball", souligne le greffier en chef du tribunal de grande instance, Patrice Brousseaud, responsable du service des scellés.
Saisis lors des enquêtes, des objets en tous genres, comme des skis ou de la fausse monnaie, sont stockés dans deux salles sécurisées.
Les armes, l’argent saisi et les stupéfiants, dont la justice conserve des échantillons, sont rangés dans une troisième salle, ignifugée.
Ponctuellement, M. Brousseaud transporte sous escorte de fortes sommes en liquide dans des banques en attendant leur restitution.
Ces salles non aérées et sans fenêtre sont le lieu de travail de Gilbert Gaillard qui, chaque matin à partir de 07H30, "réceptionne, classe, range, enregistre et fait de la place" pour les nouveaux scellés.
"Je reçois parfois jusqu’à 200 scellés par jour. J’ai deux mois et demi de retard pour l’enregistrement", explique-t-il.
La destruction ou la vente de scellés fait l’objet d’une liste établie à partir de six mois après une décision définitive de justice et soumise aux magistrats pour autorisation.
Depuis 2000, les pièces à conviction des homicides volontaires et d’affaires conclues par un non-lieu sont "systématiquement conservées", souligne M. Brousseaud.
L’absence, la perte ou la destruction de scellés ont en effet nui à la résolution d’affaires comme celle des "disparus de l’Isère", ces neufs enfants tués ou disparus entre 1983 et 1996.
Pièce à conviction centrale sur laquelle les enquêteurs espéraient pouvoir faire des prélèvements d’ADN, des ossements d’enfants découverts dans le Vercors en 1985 et conservés au laboratoire de toxicologie médico-légale, ont été détruits en 1996 sur ordre du parquet.
Sur la liste de scellés à détruire transmise au parquet, ces ossements d’enfant étaient identifiés par la mention "X non identifié 23 mai 1985", sans précisions du lieu ni détails sur l’affaire.
"Dans les années 90", l’ancienne direction devait "faire de la place car nos locaux étaient exigus", souligne Hélène Eysseric, la responsable du laboratoire, où sont conservés les prélèvements biologiques.
Retrouver de vieux scellés est parfois difficile au tribunal de grande instance, où l’enregistrement n’était pas numérisé avant 2005, tandis que "certains ont été mal rangés" ou "perdus", reconnaît M. Brousseaud.
"Cette année, on a retrouvé par hasard une douille que la police nous a demandée il y a deux ans", souligne-t-il.
En 2009, la ministre de la Justice, Michèle Alliot-Marie, a lancé un audit sur les scellés en vue de préparer "un plan pour améliorer la gestion et la conservation" des centaines de milliers de scellés en France.
"Trop souvent, on a pâti de la destruction de scellés par erreur, il faut donc mettre en place une vraie gestion des scellés", souligne Arthur Dreyfuss, porte-parole du ministère.