Air France, qui s’apprête à publier une perte annuelle record mercredi, fait l’objet d’un livre mettant en cause la sécurité de ses vols, près d’un an après le crash du Rio-Paris, toujours inexpliqué.
PARIS (AFP) - Air France, qui s’apprête à publier une perte annuelle record mercredi, fait l’objet d’un livre mettant en cause la sécurité de ses vols, près d’un an après le crash du Rio-Paris, toujours inexpliqué.
La compagnie doit conduire une "véritable révolution culturelle pour éviter un nouvel accident dont elle ne se relèverait pas", affirme Fabrice Amedeo, journaliste au Figaro, dans "La Face cachée d’Air France", une enquête de 340 pages publiée par Flammarion.
Le livre paraît presque un an après le crash du vol AF447 entre Rio et Paris, qui avait fait 228 morts le 1er juin, et le jour où Air France-KLM doit publier une perte d’exploitation d’environ 1,3 milliard d’euros pour son exercice 2009/2010.
"Air France possède une flotte d’avions ultra-moderne, des pilotes qui comptent parmi les meilleurs au monde... mais les statistiques de sécurité d’une compagnie de seconde catégorie", écrit le journaliste.
Ainsi, selon le classement du site PlaneCrashInfo, cité dans le livre, avant même l’accident du Rio-Paris, Air France se situait au 21e rang européen et au 65e rang mondial pour la sécurité, loin derrière ses deux concurrentes européennes, British Airways et Lufthansa, respectivement 1ère et 2e en Europe.
"La sécurité de la compagnie répond aux standards les plus exigeants de l’industrie aéronautique internationale", a réagi Air France dans un communiqué.
"C’est vrai qu’Air France a connu sur dix ans trois accidents", le crash du Concorde (2000), la sortie de piste à Toronto (2005) et le Rio-Paris, a indiqué Pierre Sparaco de l’Académie de l’air et de l’espace. Mais "une statistique basée sur trois événements en dix ans n’est pas une statistique !".
"Air France a subi deux accidents mortels ces 10 dernières années. Ce n’est pas significatif d’un point de vue statistique", confirme Paul Hayes, directeur de la sécurité du cabinet britannique spécialiste de l’aéronautique, Ascend.
A propos des sondes Pitot défaillantes, qui ont joué un rôle dans le crash du Rio-Paris, M. Amedeo n’hésite pas à parler d’une "faillite collective du retour d’expérience", compte tenu des incidents déjà signalés sur ces instruments de mesure de vitesse.
Selon lui, le crash aurait même pu être évité si la compagnie avait équipé ses appareils du système de pilotage de secours "BUSS", comme l’a fait sa concurrente Lufthansa dès 2008. "La direction du matériel d’Air France a refusé l’installation de cet équipement, demandée par nombre de ses pilotes, au motif qu’il n’était pas fiable", affirme-t-il.
Le journaliste révèle également que l’atterrissage manqué de 2005 à Toronto a failli se reproduire à Tokyo au printemps 2009, l’avion s’étant arrêté à 400 m du bout de la piste. Une répétition "symptomatique d’une compagnie qui n’apprend pas de ses erreurs".
"Management déficient", absence d’une "culture de la sanction", "pilotes intouchables" : pour M. Amedeo, Air France est une compagnie où la "remise en question est structurellement impossible et où des décisions de bon sens ne sont parfois pas prises".
Porte-parole d’Alter, un syndicat minoritaire de pilotes d’Air France, Christophe Pesanti s’inscrit en faux contre l’absence de sanction. Mais il reconnaît qu’une "révolution culturelle" sur la sécurité est nécessaire.
Pour tirer les enseignements de l’accident du Rio-Paris, Air France a mis en place cette année un plan d’amélioration de la sécurité des vols, baptisé "Trajectoire".
Tout en approuvant cette démarche, à laquelle participe Alter, M. Pesanti regrette que "pour l’instant", seuls les pilotes soient appelés à changer.
"La sécurité des vols, c’est l’affaire de tous. L’AF447, c’est un problème de maintenance, pas de pilote", selon lui.