A 36 ans, Najat Vallaud-Belkacem devient, à une semaine de la rentrée, la première femme ministre de l’Éducation nationale. Elle devra faire preuve de tact pour mener à bien plusieurs réformes attendues mais délicates
Benoît Hamon était loin de se douter qu’il était, au printemps, sur le point de partir, mais il avait souhaité que son successeur soit une femme, rappelle Libération aujourd’hui. Souhait réalisé donc, avec la nomination de celle qui fut la première ministre aux Droits des Femmes depuis Yvette Roudy en 1981.
La ministre était un défenseur de l’expérimentation des ABCD de l’égalité dénoncée par l’extrême droite et une partie de la droite comme étant un outil de propagande de la prétendue théorie du genre. Elle est également la plus jeune à accéder à la tête de ce super-ministère.
Plus de 12 millions d’élèves et 800 000 professeurs sont techniquement prêts à revenir théoriquement à l’école, mais Najat Vallaud-Belkacem devra mettre au diapason les derniers épisodes de la réforme des rythmes scolaires. Certaines communes sont réfractaires, et le principal syndicat du primaire qu’est le SNUipp-FSU craint une rentrée « chaotique », les premières semaines.
Najat Vallaud-Belkacem devra ensuite mettre sur les rails la relance de l’éducation prioritaire qui concerne un élève sur cinq. Il y a également la révision des programmes qui accuse déjà un an de retard. D’autres projets comme la formation continue des enseignants, en éternelle gestation, attendent dans les tirroirs.
La ministre débarque aussi juste avant les élections syndicales, période favorable à l’expression des nombreuses revendications des personnels de l’éducation. Les syndicats d’enseignants et de parents d’élèves n’ont d’ailleurs pas attendu bien longtemps, à l’instar du SNUipp-FSU, pour demander des «
Le milieu éducatif est un terrain quasi-inconnu pour l’ancienne porte-parole du gouvernement, mais elle pourra compter sur sa maîtrise de l’art de la communication pour arrondir les angles avec les enseignants qui ont dans la gorge les allusions au « mammouth » ou aux « changements de couches en maternelle » de précédents ministres de l’Education.
L’arrivée de Najat Vallaud-Belkacem à ce ministère augure une nouvelle période dans la carrière de cette franco-marocaine qui a adhéré au PS après le choc du 21 avril 2002. Née en 1977 dans le rif marocain, elle est la deuxième d’une fratrie de sept enfants et est arrivée à l’âge de quatre ans dans la Somme. Mais Najat Vallaud-Belkacem n’a jamais voulu être réduite au porte-flambeau de la diversité.
Diplômée de Sciences Po, ex-assistante parlementaire, elle se dépeint comme un « pur produit de la République ». C’est le maire Lyon, Gérard Collomb, qui l’a remarquée en premier, suivie de Ségolène Royale, candidate socialiste à la présidentielle de 2007 qui l’engagera comme l’une de ses porte-paroles durant la campagne.
Najat Vallaud-Belkacem « fait face aux épreuves avec intelligence et sang-froid », d’après Arnaud Montebourg. C’est ce profil de battante qui lui vaudra d’être nommée porte-parole du gouvernement en 2012.
Elle défend la parole officielle sans fausse note, avec la langue de bois indissociable à la fonction et les crocs-en-jambes à l’occasion envers l’opposition. La ministre est une personnalité appréciée des français, une popularité qui ne se démentit pas.
Najat Vallaud-Belkacem accède à un ministère au périmètre élargi, celui des Droits des Femmes, de la jeunesse, de la Ville et des Sports lors du premier remaniement. Aucune réforme d’envergure ne marque cet épisode.
Elle avait tout juste le temps de lancer, en cinq mois, l’idée d’une « Fête du sport » calquée sur le modèle de la Fête de la musique pour 2015. Pour les « banlieues », elle s’est attelée à la mise en œuvre de la loi Ville écrite par son prédécesseur.
La suppression d’une disposition sur la pénalisation des clients de prostituées qu’elle soutenait et le retrait des « ABCD de l’égalité » marque le printemps pour Najat Vallaud-Belkacem. Jouant la carte du fair-play, elle rempile avec le nouveau « plan d’action » sur l’égalité entre les filles et les garçons à l’école, et nié tout volte-face. Les adversaires du mariage homosexuel de « La Manif pour tous » n’ont pourtant pas manqué de voir dans sa nomination une « provocation ».
Son image de première de la classe et sa parole maîtrisée à la virgule près lui vaut des critiques. Sa déclaration de patrimoine, (« trois lits », « trois tables », « un canapé », « deux fauteuils »...) en est l’illustration. Elle est la mère de deux jumeaux de six ans et l’épouse Boris Vallaud, directeur de cabinet d’Arnaud Montebourg.