Michel Edouard Leclerc, président du comité stratégique des centres Leclerc a accordé un entretien à Antoine Hassler à l’occasion de sa visite à La Réunion. Il réagit à propos de la possible ouverture d’une commission d’enquête parlementaire sur la vie chère dans les outremers demandée par Frédéric Maillot, la formation des prix à La Réunion et l’inflation à venir entre autres.
Les rayons des supermarchés sont touchés, comme beaucoup de secteurs, par l’inflation. Vous annoncez une zone de turbulences à venir sur le plan national, est-ce que La Réunion risque de suivre la même tendance ?
"Oui, je le crains. Je ne veux pas être un prophète de malheur, mais comme nous achetons à l’avance, alors que l’Insee ne mesure qu’après les taux d’inflation. Je vois bien qu’il y aura un pic d’inflation en métropole entre avril et juin et probablement ça suivra à La Réunion."
À quels taux pouvons-nous nous attendre ?
"À l’heure actuelle, si on prend ce qui est vendu dans un grand hypermarché et même dans les magasins spécialisés, il n’y a pas de demande de hausse inférieure à deux chiffres. La plupart des hausses des tarifs des fournisseurs se situent entre 10 et 30 %. Au-delà du niveau de prix, il y a aussi le risque de récession, il y a le risque de mévente."
Au-delà du Fret, pouvez-vous nous expliquer pourquoi un produit est plus cher à La Réunion, y compris dans vos enseignes ?
"Tout le monde parle de continuité territoriale, mais c’est un peu une illusion. Politiquement, je vois ce que ça veut dire, mais il faut bien 45 jours entre un produit commandé et son déstockage en métropole. L’approvisionnement dans les îles c’est lourd. À mon avis, indûment, les consommateurs de l’île comparent avec les prix de métropole. Or ce ne sera jamais la même chose, il faut arrêter. Donc pour moi les conditions d’approvisionnement, mais il y a aussi toutes les conditions fiscales comme l’Octroi de mer qui viennent obérer la capacité de vendre moins cher. Je pense qu’il faut une réforme structurelle de long terme sur les conditions d’approvisionnement dans tous les départements d’outre-mer.
Le système législatif français il a été créé pour protéger les agriculteurs en métropole et donc il n’est pas adapté à la valorisation des positions de la réunion. Je pense qu’à la Réunion par exemple il faudrait beaucoup plus de production locale et pour ça il faudrait injecter beaucoup plus d’argent pour que ce marché local une autre dimension. "
Au premier plan, est-ce que vous mettez la qualité du produit ou son prix de vente ?
" De toute façon tout a un prix. Le prix c’est le dénominateur commun, mais Leclerc va être le moins cher sur tous les créneaux choisis."
La concurrence c’est un levier pour faire baisser les prix, est-ce que c’est bon pour le consommateur ?
"Je suis pour qu’il y ait de la concurrence. C’est comme dans le sport on ne devient chacun meilleur que parce qu’on se jauge avec les autres et l’intérêt du consommateur c’est qu’il y a cette concurrence. Dans les îles, on parle toujours de la concurrence entre distributeurs, mais jamais de la concurrence entre industriels. Le problème c’est que quand les prix arrivent à la porte du distributeur, c’est déjà trop tard. C’est toute la filière qu’il faut mettre en concurrence et aujourd’hui les grandes multinationales ne sont pas assez concurrencées."
Le député Frédéric Maillot annonce l’ouverture possible d’une commission d’enquête parlementaire sur la vie chère dans les outre-mer avec un focus sur la concentration du secteur de la grande distribution à dominante alimentaire. Comment accueillez-vous cette annonce ?
"Toutes ces commissions, ça n’a jamais fait évoluer les choses. Ça fait 10 ans que je suis auditionné pour Leclerc, sur des commissions d’enquête parlementaires sur la grande distribution sur les méthodes d’achat, etc. Aujourd’hui il faut parler concret, les consommateurs n’en ont rien à faire des commissions, en plus si on focalise que sur le marché ou sur le magasin. Ça fait 10 ans qu’on interroge sur les mêmes questions. C’est tout en système qu’il faut faire bouger. "
Êtes-vous pour ou contre des produits d’Afrique du Sud ou d’Inde ?
"Je pense que la production de la Réunion doit aller s’expatrier ailleurs. Elle doit aller trouver des débouchés. Je pense que les producteurs locaux doivent rester avec leurs racines, réunionnaises, leur culture réunionnaise. Cependant, il faut, comme pour la culture, qu’ils aillent aussi envahir Maurice Madagascar, la Tanzanie et l’Afrique du Sud. Bien sûr, il faut être conquérants. "