Des députés lançant un appel pour le rapatriement des enfants de djihadistes français, se sont rendus en Syrie.
Depuis 2017, les autorités étatiques ont mis en place le rapatriement au "cas par cas" des enfants de djihadistes français détenus dans les camps du Nord-Est syrien. Une méthode non-acceptée par les familles de 80 femmes, parties rejoindre les rangs de Daesh et des 200 mineurs qui sont retenus dans la région.
Pour faire avancer la situation, avocats, ONG et désormais des parlementaires ont accentué la pression sur l’Elysée, note le journal 20 Minutes.
A plusieurs reprises, la France a été pointée du doigt pour sa gestion de ses ressortissants détenus en Syrie. Par ailleurs, seuls quelques élus ont parlé de ce dossier lors de questions au gouvernement. Toutefois, Pierre Morel-A-L’huissier (UDI) et Pierre Laurent (PCF) ont interpellé par courrier, leurs homologues concernant ce sujet, le 10 février.
Le député UDI a appelé la France à "prendre les mesures qu’impose la situation de ces enfants". Il a également dénoncé, dans cette lettre, que la France fait le choix de les sacrifier sous prétexte que l’opinion publique française serait majoritairement hostile au retour des mères de ces enfants.
Quant à l’élu PCF, contacté par 20 Minutes, il a indiqué son souhait de déposer une proposition de résolution dans les prochaines semaines en mettant en cause la responsabilité de la France. "Mes collègues auront ensuite le choix de la ratifier et de la voter", a-t-il détaillé.
Les parlementaires ont décidé d’intensifier leur offensive, et pour la première fois, deux députés et deux eurodéputés ont tenté de se rendre dans les camps d’Al-Hol et de Roj. Mais les autorités kurdes ont refusé l’entrée de la délégation sur ce territoire.
Ainsi, les élus Frédérique Dumas et Hubert Julien-Laferrière ainsi que les eurodéputés Sylvie Guillaume et Mounir Satouri ont accusé la France d’avoir "fait pression" sur les autorités locales afin de les empêcher de mener à bien leur mission.
Ils ont ainsi lancé un appel au président de la République "à prendre ses responsabilités".
Les parlementaires ont fustigé le risque sécuritaire représenté par la politique du gouvernement à l’égard de ces ressortissants. Ils ont fait cette déclaration durant une conférence de presse, organisée à leur descente d’avion, mercredi. "Tous les Français peuvent comprendre que si nous laissons grandir ces enfants dans ces camps, ils en sortiront avec une haine de la France. Nous prenons le risque d’en faire de futures recrues radicalisées", a expliqué Hubert Julien-Laferrière.
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Contacté par 20 Minutes, Marc Lopez, membre du collectif "Familles unies" s’est exprimé sur la situation. Selon lui, ces enfants sont innocents, d’ailleurs, tout le monde sait qu’il n’y aura pas de jugement sur place, ni de tribunal international en Syrie (…). "Alors qu’est-ce qu’on fait ? On garde les enfants jusqu’à quand ? Quel est le plan ?", s’est-il interrogé.
Outre ces questions, jusqu’ici sans réponse, la situation sur place ne cesse de s’empirer, note Lucile Marbeau, chargée de la communication au Comité international de la Croix-Rouge en Irak (CICR).
"Le camp d’Al-Hol est surpeuplé. On estime que 60 000 personnes s’y trouvent dont deux tiers sont des enfants", a-t-elle alerté. Elle a aussi prévenu qu’une recrudescence des affections respiratoires chez les plus petits, souffrant aussi de diarrhées et de malnutrition, est constatée, sans oublier l’insécurité.
De plus, après le meurtre de l’un de ses employés sur place, Médecins sans frontières (MSF) a annoncé "la suspension temporaire de ses activités à Al-Hol".
En raison de cette urgence humanitaire, l’Elysée fait face à une pression internationale. Effectivement, le Haut-commissariat aux droits de l’Homme de l’ONU a déjà alerté en décembre.
Le 8 février, des experts de cette organisation internationale ont aussi encouragé la France et 56 autres pays à rapatrier leurs ressortissants en estimant qu’ils ont les "capacités" de le faire. Récemment, l’Unicef a également réitéré cet appel au "rapatriement en toute sécurité" de tous les enfants du camp d’Al-Hol et du nord-est de la Syrie. Pourtant, jusqu’ici, la doctrine du "cas par cas" reste immuable et la seule politique envisagée et envisageable par la France.
Depuis la chute de Daesh, au total 35 enfants, en majorité orphelins, ont été ramenés en France.
Cette lenteur a été dénoncée par la famille des femmes et des enfants djihadistes. Face à l’inertie des autorités, Marc Lopez et sa femme ont tenté de rendre visite à leurs petits-enfants au camp de Roj, en juin 2019. Ils ont raconté avoir obtenu l’autorisation des Kurdes, une fois sur place, mais au dernier moment, ils ont fait face à un refus.
"On nous a dit : ’pour les Français, c’est non’", ont-ils raconté alors que des familles autrichiennes et suédoises ont pu voir leurs proches. "Et on nous a précisé que les ordres venaient d’"en haut". Autrement dit de Paris", ont-ils détaillé. Une version démentie, quelques mois plus tard par les autorités françaises.
Selon 20 Minutes, les parlementaires ont vécu la même situation. A leur retour de Syrie, ils ont indiqué que leurs interlocuteurs se contredisaient entre eux. "Ils nous répétaient qu’ils voulaient qu’on entre au Rojava, qu’ils faisaient tous les efforts pour rendre notre visite possible et finalement qu’ils ne pouvaient pas nous laisser entrer […]", ont précisé les élus.
Pourtant, durant le déjeuner au poste frontière, l’un d’entre eux a fini par dire : "nous avons des relations trop importantes avec la France pour vous permettre d’entrer". "En substance, il ne voulait pas se fâcher avec Paris", a pointé la députée Frédérique Dumas.
Interrogé ce mercredi à l’issue du Conseil des ministres, le porte-parole du gouvernement Gabriel Attal a expliqué ne pas avoir "encore reçu la réponse du Quai d’Orsay sur ce sujet-là".
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