Vingt ans après son unification, le Yémen est confronté à un mouvement sudiste séparatiste qui menace de désintégration ce pays pauvre de la Péninsule arabique déjà mis à mal par les séquelles d’une rébellion dans le nord et un renforcement d’Al-Qaïda, selon des analystes.
DUBAI (AFP) - Vingt ans après son unification, le Yémen est confronté à un mouvement sudiste séparatiste qui menace de désintégration ce pays pauvre de la Péninsule arabique déjà mis à mal par les séquelles d’une rébellion dans le nord et un renforcement d’Al-Qaïda, selon des analystes.
Le gouvernement du président Ali Abdallah Saleh, qui célèbre samedi l’unification du Yémen, est appelé à relever plusieurs défis, "en réalisant notamment une réelle égalité en matière de développement" entre le Nord et le Sud, estime le chef du Gulf Research Centre, Abdelaziz Sagr.
L’unité du Yémen, proclamée en 1990, "a été effective sur les plans géographique et politique, mais pas assez dans le domaine social", dit-il, en référence au mécontentement de la population du Sud, qui a conduit à la naissance d’un groupe séparatiste.
Le Yémen du sud, Etat indépendant jusqu’en 1990, est le théâtre de violences, les habitants s’estimant l’objet de discriminations et disant ne pas bénéficier d’une aide économique suffisante du pouvoir central.
En 1994, une tentative de sécession du Sud avait été matée dans le sang.
Mais le président Saleh, artisan de l’unification, répète à l’envi qu’il ne tolérera aucune sécession.
Le gouvernement ne permettra "pas aux criminels, aux bandits de grand chemin et aux apôtres de la sédition et du séparatisme de réaliser leurs desseins", a-t-il dit mercredi en s’adressant à un groupe d’officiers, avertissant : "la vaillante armée nationale reste à l’affût".
Pour l’universitaire britannique Neil Partrick, un expert des affaires du Golfe, la situation du Yémen est "une source de profonde inquiétude pour les pays voisins et, bien sûr, pour le gouvernement yéménite".
Une désintégration du Yémen aurait des implications sur les monarchies pétrolières voisines du Conseil de coopération du Golfe (CCG), dont l’Arabie saoudite qui était intervenue en novembre contre les rebelles chiites dans le nord du Yémen, où une trêve a été décrétée en février après six mois de combats entre ces rebelles et les forces yéménites.
"Les Etats du CCG sont en faveur de l’unité du Yémen. Mais la question est de savoir comment ils peuvent aider ce pays politiquement et économiquement, y compris par une intégration partielle du Yémen" à leur groupe, indique à l’AFP M. Partrick.
L’Arabie saoudite est particulièrement "sensible aux événements au Yémen (...), ce qui signifie que l’option militaire des Saoudiens demeure sur la table" après leur intervention contre les rebelles chiites, ajoute-t-il.
De leur côté, les séparatistes sudistes ne peuvent compter sur un soutien militaire extérieur de taille et ils souffrent de "l’absence d’un leadership crédible", relève un expert occidental.
Pour cet expert, qui a requis l’anonymat, les sudistes n’ont "pas d’alternative claire" et un Etat du sud n’est pas viable économiquement, les ressources des provinces méridionales étant concentrées notamment dans le Hadramout, une province qui selon lui n’est pas enthousiaste à l’idée d’une sécession.
Parallèlement, face au mécontentement, le gouvernement de Sanaa n’a "pas réagi d’une façon constructive", ajoute-t-il, estimant que "si la situation était rattrapable il y a deux ans, elle ne l’est plus" aujourd’hui.
Dans ces conditions, avertit M. Sagr, le mouvement séparatiste pourrait à terme "prendre plus de l’ampleur" avec le risque de déboucher sur "un Etat faible dans le Sud et un autre Etat faible dans le Nord".
D’autant que ce pays reste fragilisé par les séquelles du conflit avec les rebelles chiites qui a fait plusieurs milliers de morts et plus de 250.000 déplacés, ainsi que par les activités des partisans d’Al-Qaïda.