Lorsque Victor Nader, l’ex-commandant des forces spéciales de l’Armée du Liban Sud (ALS), bat le rappel de ses troupes, ses hommes répondent présent. Mais aujourd’hui, dix ans après la dissolution de son unité, le point de ralliement est une plage israélienne.
NAHARIYA (Israël) (AFP) - Lorsque Victor Nader, l’ex-commandant des forces spéciales de l’Armée du Liban Sud (ALS), bat le rappel de ses troupes, ses hommes répondent présent. Mais aujourd’hui, dix ans après la dissolution de son unité, le point de ralliement est une plage israélienne.
La plupart des 23 combattants de cette unité d’élite se sont réfugiés en Israël avec femme et enfants après le retrait de l’armée israélienne du Liban le 24 mai 2000.
Mais comme beaucoup d’anciens de l’ALS, cette milice formée et financée par Israël qui combattait les Palestiniens et le mouvement chiite Hezbollah, ils se sentent aujourd’hui floués.
Si l’Etat hébreu leur a accordé la nationalité israélienne en 2004 ainsi que le statut d’ancien combattant israélien, ils occupent désormais des emplois peu qualifiés dans l’industrie ou la restauration.
Une humiliation, pour ces hommes qui ont combattu aux côtés d’Israël pendant les 22 années qu’a duré l’occupation du sud du Liban et qui ont fui leur pays de crainte de représailles.
"J’ai combattu 14 ans pour Israël, et regardez ce qu’ils nous donnent : rien ! Ils ne nous ont pas donné de maison, ni une vraie éducation !", s’emporte Bassam Hajjar, ouvrier dans une usine métallurgique, qui a accouru à l’appel de son ancien commandant sur cette plage de Nahariya, dans le nord d’Israël.
Comme la plupart des quelque 3.000 anciens de l’ALS réfugiés en Israël, Hajjar, qui parle couramment l’hébreu, a un passeport israélien mais le Liban, si proche, lui manque.
Emmené par Victor Nader, le groupe se dirige vers le poste-frontière israélien de Rosh-Hanikra, perché sur un piton pittoresque. A travers les barbelés, Victor Nader peut apercevoir son Liban natal.
"Nous avons 700 hommes de l’ALS tombés et enterrés là-bas avec un uniforme estampillé Tsahal", l’armée israélienne, affirme le commandant devenu électricien, dont le regard bleu profond et la carrure imposante semblent toujours avoir le même effet sur les anciens miliciens.
"Nous ne demandons pas à être riches, nous voulons juste vivre comme le reste du monde", lance Faddi Tomeh, ex-sniper de l’unité qui arbore plusieurs cicatrices de blessures par balle.
"Personne ne veut de nous, c’est partout comme ça", dit Nader, qui a vécu près de dix ans en France avant d’immigrer en Israël en 2008.
La France lui a refusé le statut de réfugié politique, invoquant les "responsabilités et les fonctions qu’il a occupées plusieurs années au sein de l’ALS (...) dont les atteintes aux droits de l’Homme sont notoires".
L’ALS était connue pour ce qu’Amnesty International a décrit comme une torture "systématique", particulièrement dans la prison de Khiam, dans le sud du Liban, où la milice détenait des centaines de Libanais et de Palestiniens.
Beaucoup d’ex-miliciens ont été emprisonnés à leur retour au pays pour "collaboration avec l’ennemi", mais ont bénéficié de circonstances atténuantes et n’ont écopé que d’un ou deux ans de prison.
En Israël, un bureau consacré aux affaires des anciens de l’ALS et rattaché au cabinet du Premier ministre a été créé en 2000. Il s’est récemment doté d’un nouveau conseiller spécial, un ancien de l’ALS, Saïd Ghatas, chargé de faire le lien entre les familles et le gouvernement et de veiller à une meilleure répartition des aides.
Les vétérans des forces spéciales savent qu’ils ne reverront jamais leur pays, si ce n’est à travers le grillage du poste-frontière de Rosh-Hanikra.
"En 2000, quand Tsahal s’est retirée, j’ai compris que c’était la fin du Liban. Jamais je n’y retournerai, je le sais", dit l’ex-commandant Nader.
"Mais si une nouvelle guerre éclate, je serai avec Israël", assure-t-il.