Les travailleuses de sexe de la capitale malgache ont tenu jeudi soir une manifestation pour dénoncer l’application d’une loi interdisant la prostitution des rues. Une menace d’arrestation plane sur elles.
Ces deniers jours, des affiches rappelant un article du code pénal sont placardées un peu partout dans le centre de Tananarive, la capitale de
Madagascar, notamment dans le 1er arrondissement de la ville où opèrent la plupart des travailleurs de sexe.
Ce texte " interdit toute forme de prostitution directe ou indirecte ", un acte pouvant conduire à " une peine d’emprisonnement ferme de 2 à 5 ans, ou une amende d’1 à 10 millions d’ariary (de 310 à plus de 3 000€) ", rappelle sur Express de Madagascar le chef du quartier Amboasarikely 6AIT.
Outrées par cette décision prise à la suite d’une réunion entre des responsables au sein des forces de l’ordre et ceux des quartiers concernés, les travailleuses de sexe à Tsaralalàna, un haut-lieu de la
prostitution, ont tenu jeudi soir une manifestation.
" Nous n’avons aucune connaissance de cette loi et trouvons que c’est injuste que l’on nous interdise de travailler. Ici on est toutes majeures, alors cette loi ne nous concerne pas ", s’insurge une des leurs.
" Nous sommes ici car nous avons besoin de gagner notre pain. Nous avons des enfants et sommes pour la plupart des femmes seules ou abandonnées ", poursuit-elle sur Midi Madagascar, interpellant l’opinion et l’Etat pour plaider à leur cause.
" On ne leur interdit pas de se prostituer mais on leur demande de ne pas le faire dans les rues. Elles devront désormais aller dans les maisons de passe et de ne pas s’habiller de façon provocatrice dans les rues ", rétorquent à leur tour les chefs quartier.
Cette solution avait déjà été proposée à une époque, se rappelle une prostituée qui avait été invitée à exercer son métier dans les discothèques. L’entrée y est cependant payante et s’offrir un ticket à 5 000 ariary, soit l’équivalent de 1€55, est impossible pour elle. " Si on avait 5000 ar, nous préfèrerions acheter du riz pour nos enfants ", dit-elle.
Avec cette nouvelle mesure censée réduire l’insécurité dans la ville, les femmes de la profession craignent des arrestations massives. D’autant plus que les forces de l’ordre auraient déjà prévu de faire une descente à Tsaralalàna ce vendredi soir.
" Offrez-nous donc une meilleure solution et on ne tapinera plus dans les rues ", ont scandé les manifestants jeudi, s’attendant à un soutien solide de la part des associations qui militent pour le droit des travailleurs de sexe. L’une d’elles, le MSM/TDS de Madagascar a déjà fait part de son indignation par rapport à cette décision des autorités. Son leader, Balou Rasoanaivo a expliqué sur Express que " la prostitution a pris de l’ampleur depuis la crise de 2009 avec le chômage. Sachez que dans les boîtes de nuit, celles qui ne sont pas bien maquillées et habillées n’intéressent personne alors que beaucoup n’en ont pas les moyens ".
D’ailleurs, faut-il rappeler que " c’est dans les rues que l’on trouve les clients ?", s’interroge-t-elle.
Les manifestants n’ont encore confirmé s’ils vont poursuivre ou non leur mouvement au cours des prochains jours. Les autorités compétentes, pour leur part, entendent faire appliquer la loi qui vise surtout à assainir le centre-ville, rappellent-elles.