Le président cubain Raoul Castro se rend aujourd’hui en France pour une visite officielle. Paris entend prendre de l’avance par rapport aux États-Unis en matière diplomatique et économique.
Une visite officielle de Raul Castro ou de son frère Fidel en France était encore inimaginable il y a quelques années, rappelle France 24. Cette visite aurait même provoqué une levée de boucliers chez les opposants au régime castriste, comme ce fut le cas lors de la poignée de main entre François Mitterrand et Fidel Castro, en, France, en 1995, alors invité par l’Unesco.
Raul Castro recevra donc les honneurs de la République, aujourd’hui à l’Élysée. Le chef d’État François Hollande le recevra officiellement, une première depuis des décennies, qui formalise les relations entre Paris et La Havane.
La France tient avant tout remercier les autorités cubaines pour leur intervention, discrète, mais efficace, dans la finalisation de l’accord final sur le réchauffement climatique lors de la Cop21, à Paris, au mois de décembre : "Raul Castro est intervenu pour faire plier le Nicaragua, réticent jusque dans les dernières heures, et valider la version finale de l’accord", rappelle Janette Habel, enseignante à l’Institut des hautes études de l’Amérique latine à Paris III.
Et le 12 décembre, Michel Sapin, le ministre français des Finances annonçait l’annulation de la dette cubaine qui se chiffre à 11,1 milliards de dollars, 10,2 milliards d’euros, et qui n’était pas remboursée depuis 25 ans. Le Club créancier de Paris (composé de l’Australie, l’Autriche, la Belgique, le Canada, le Danemark, l’Espagne, la Finlande, la France, l’Italie, le Japon, les Pays-Bas, le Royaume-Uni, la Suède et la Suisse) a accepté d’effacer cette énorme dette ainsi que les intérêts de retard, qui s’élevaient 3,68 millions d’euros, sous l’impulsion de la France. Seuls les arriérés, environ 2,39 millions d’euros seront remboursés par Cuba sur une période de 18 ans.
C’est dans ce contexte favorable que se place la rencontre entre François Hollande et Raul Castro, surtout après la venue du président français à La Havane en mai dernier. Il a été le premier chef d’État occidental à se rendre sur l’île depuis la révolution castriste de 1959, mais aussi le premier président français depuis l’indépendance de Cuba en 1898. Malgré le peu de visites officielles des chefs d’État des deux pays, "Cuba et la France ont toujours entretenu une relation sentimentale et culturelle forte", explique Jean Ortiz, chercheur spécialiste de l’Amérique latine à France 24.
Historiquement, la France a toujours occupé une position privilégiée aux yeux des Cubains, et surtout de Fidel et Raul Castro, inspirés par le Siècle des Lumières puis par la Révolution française de 1789. La population cubaine perçoit la France comme un pays qui ne se soumet pas aux États-Unis. "Le discours du général de Gaulle, qui avait appelé les pays d’Amérique latine, alors pré carré des États-Unis, à l’indépendance lors de sa tournée en 1964, avait marqué les esprits", commente Janette Habel. Et depuis 1991, Paris vote chaque année en faveur de la résolution demandant la levée de l’embargo économique sur Cuba à l’Assemblée générale de l’ONU.