-Vous dîtes que votre métier de médecin généraliste va disparaître. Vous appelez à la grève ce jeudi, pourquoi ?
-C’est une première à la Réunion et en France. Dans l’histoire de la médecine générale, à part les grandes grèves qui datent du moment où nous étions étudiants (1968), il n’ y a jamais eu un tel mouvement dans notre branche. Une telle cohésion depuis au moins trente ans.
C’est la première grève qui est appelée par deux syndicats majoritaires en Métropole. Il s’agit de MG France et de Espace Union Généraliste.
-Quel va être le poids de cet appel à la grève sur notre île ?
-On invite tous les médecins généralistes qui sont d’accord avec notre position à fermer leur cabinet le jeudi 11 mars, et à débattre avec leurs patients de 11h à midi, sur les gros problèmes que nous avons tous les jours dans nos cabinets.
C’est essentiellement un problème organisationnel. Nous avons des soucis au niveau de la caisse des patients, des certificats etc. Nous ne pouvons plus répondre à ces problèmes pour des raisons de temps, ou des raisons matérielles.
Nous faisons face à une clientèle qui devient de plus en plus exigeante au niveau des soins et des pathologies.
-Quelle est la situation à la Réunion ? vous manquez de médecins ?
-Dans l’île, nous manquons surtout de temps pour soigner les gens. Nous ne réclamons pas uniquement une augmentation de nos revenus, ce n’est pas du tout ça le problème.
Nous souhaitons travailler mieux, prendre plus de temps, notamment avec les patients chroniques.
Vous savez que les diabétiques sont trois fois plus nombreux à la Réunion. Cela nécessite des consultations d’une demi-heure, voire trois quarts d’heure. Il est évident que nous ne pouvons pas gérer tout cela quand nous avons des salles d’attente pleines pour des motifs qui ne nécessitent pas une consultation médicale.
-Que réclamez-vous ?
-Nous voulons la mise en place et la reconnaissance officielle de la médecine générale qui est de par la loi, désormais, une médecine spécialisée.
Nous voulons être davantage informés concernant les gestions de santé publique, comme par exemple la gestion de la dernière pandémie grippale. Nous voulons être associés à des négociations pour un changement de la médecine actuelle. Elle ne repose que sur l’acte.
Pourquoi ne pas aussi prendre en charge de façon plus forfaitaire des pathologies globales pour éviter à une médecine privatisée vers laquelle nous nous dirigeons.
Face à cette médecine privée, les patients auront de plus en plus de mal à être soignés de façon solidaire et la moins coûteuse pour elle.
-Peut-on dire que vous manquez également de médecins ? avez-vous une désaffection d’étudiants dans la branche générale ?
-Vous avez un jeune diplômé médecin qui sort de la filière médecine générale pour 10 qui s’installent en libéral.
Les étudiants en médecine sont très peu nombreux à choisir la médecine générale. Ceux qui la choisissent préfèrent être salariés, dans un hôpital, en PMI, ou dans différentes structures.
Ils ne veulent plus être confrontés à d’énormes problèmes organisationnels. Ils ne feront qu’augmenter dans les prochains mois et les années à venir.
En médecine générale, vous avez 55 000 médecins généralistes en France. Les prévisions font état de 25 000 vers 2025.
-Concrètement, comment le mouvement va-t-il s’organiser jeudi ? Qui suivra selon vous la grève ?
- Les deux syndicats appellent les 700 médecins généralistes de la Réunion à se mettre en grève. Il y aura grève et fermeture des cabinets.
Il n’y aura pas de réponse téléphonique aux patients. Nous invitons les médecins à entamer une discussion pendant une heure avec les patients qui le souhaitent.
Jeudi, Il n’y aura évidemment aucun soin, mais une discussion plus globale sur la médecine d’aujourd’hui, hier et surtout sur celle de demain.
-Les urgences fonctionneront-elles normalement ?
-Les vraies urgences seront toujours régulées, par le centre 15 bien entendu. Quant aux urgences ressenties par les patients, il risque effectivement d’y avoir des retards dans la prise en charge, mais il n’y aura aucun risque pour la santé des patients.